Raqqa n’a pas de réelle signification

La capture de Raqqa a une importance stratégique minimale

La conquête de Raqqa en Syrie soutenue par les États-Unis n’a que peu d’importance stratégique, la course à la capture de la province de Deir al-Zor, en revanche, sera importante, selon les experts.

– Raqqa n’avait aucune importance stratégique, ni régionalement ni en Syrie ; Deir al-Zor en a, selon Fabrice Balanche, expert sur la Syrie à l’université de Stanford.

Il fait référence aux gisements de pétrole de la province de Deir al-Zor, où les rebelles des FDS soutenus par les États-Unis et les forces gouvernementales syriennes soutenues par la Russie ont lancé une course pour prendre le contrôle.

La province est limitrophe de l’Irak voisin, et Balanche s’attend à ce que les forces gouvernementales syriennes se déplacent bientôt vers l’est en direction de la frontière irakienne pour empêcher les FDS de se déplacer plus au sud.

Le responsable du Centre d’études stratégiques de Damas, Bassam Abu Abdullah, proche du régime, est d’accord.

-La priorité du gouvernement syrien est désormais bien évidente d’occuper Abou Kamal, la frontière syro-irakienne et, enfin, Deir al-Zor, dit-il.

Forte aversion

Les FDS sont dominés par la milice kurde des YPG et le régime de Damas et de Turquie n’est pas du tout d’accord avec le fait que les Kurdes avec l’aide des États-Unis occupent désormais des zones supplémentaires dans le nord de la Syrie.

– Ils semblent maintenant avoir de bonnes cartes en main pour négocier une sorte de cessez-le-feu avec le régime, déclare Aaron Stein du groupe de réflexion de l’Atlantic Council à Washington.

Ville en ruines

On ne sait toujours pas si les Kurdes veulent tenter d’intégrer Raqqa dans leur région autonome ou utiliser la ville arabe sunnite comme carte de négociation. La ville est en grande partie en ruine après des mois de bombardements, ce qui pourrait inciter les Kurdes à la remettre au régime, estime Balanche.

– La reconstruction de Raqqa ne sera pas facile et sans reconstruction, les dirigeants de la ville seront prochainement confrontés à des manifestations, dit-il

– Cela fera le jeu de Damas, estime-t-il.

Le gouvernement syrien n’acceptera jamais d’institutions gouvernementales parallèles telles que les FDS, a déclaré Abu Abdullah.

– Des structures politiques séparées seront considérées comme inacceptables, et si nécessaire, elles seront défaites par des moyens militaires, déclare-t-il.

Présence américaine

Stein pense que l’intérêt des États-Unis pour la Syrie va diminuer maintenant que l’EIIL est largement vaincu. Washington montre peu d’efforts pour soutenir les rebelles combattant le régime d’Assad, et semble plus soucieux d’empêcher l’Iran d’accroître son influence dans la région.

– Je pense que les États-Unis garderont quelques troupes dans le nord-est de la Syrie comme tampon contre l’Iran et pour pouvoir toujours poursuivre l’EIIL, a déclaré Stein.

Un retrait américain total rendra les Kurdes du nord de la Syrie extrêmement vulnérables, tant vis-à-vis de Damas que de la Turquie, selon lui.

– Washington doit équilibrer ses alliés les uns contre les autres, déclare Aron Lund de l’American Think Tank, Century Foundation.

– Cela pourrait amener les États-Unis à établir une présence plus permanente pour protéger les FDS dans l’est de la Syrie, dit-il.

Faits sur Raqqa

La capitale de la province de Raqqa dans le nord de la Syrie est située près de l’Euphrate, à 90 kilomètres de la Turquie et à environ 200 kilomètres de l’Irak.
En mars 2013, occupée par des djihadistes de Jabhat al-Nosra (Front Nosra), la branche d’al-Qaïda en Syrie.
En janvier 2014, elle a été conquise par les islamistes extrémistes de l’État islamique (EIIL). L’EIIL a repoussé le front de Nosra et les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) hors de la ville.
Capitale de l’EIIL depuis que le groupe a déclaré en juin 2014 avoir établi un califat dans certaines parties de la Syrie et de l’Irak.
L’EIIL a introduit un régime islamique strict et imposé une interprétation extrême et violente des lois de la charia.
Les Forces démocratiques syriennes (SDF), une alliance rebelle soutenue par les États-Unis et dominée par la milice kurde YPG, ont lancé en novembre dernier une offensive pour reprendre le contrôle des villages environnants.
Le 6 juin 2017, les SDF ont annoncé que la bataille pour la ville elle-même était lancée. Une semaine plus tard, les États-Unis ont confirmé que les forces spéciales américaines se trouvaient à l’intérieur de la ville.
Le 15 octobre, les FDS ont déclaré que le combat pour Raqqa était dans sa phase finale.
Le 17 octobre, les FDS ont déclaré la victoire sur l’EIIL à Raqqa.