Le discours du président Vladimir Poutine devant le groupe de réflexion Valdaj le 27 octobre en était un exemple classique. Vu avec des yeux occidentaux rationnels, le discours se composait de mensonges plats, d’excuses infantiles et de purs délires. Mais ce n’est pas à nous que Poutine s’est adressé. Il s’adressait principalement à ses propres électeurs. Poutine est complètement dépendant de son récit, qu’il s’agit d’une opération spéciale pour protéger les Russes et les zones russes en Ukraine. Ensuite, il s’est tourné vers les États qui doivent encore se distancier concrètement de sa guerre, puis vers les sympathisants qu’il aurait pu laisser.


Bjørn Aksel Sund

Bjørn Aksel Sund

Le Kremlin est désespéré maintenant, et sa stratégie de propagande n’est pas particulièrement sophistiquée. D’abord, Poutine prononce un discours ou donne une interview, que le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov présente ensuite comme « la preuve » que « la Russie veut la paix et les négociations, l’Occident veut la guerre et l’Ukraine ne s’assiéra même pas à la table des négociations ». Peut-être que quelqu’un va mordre. Mais ce qu’ils omettent de dire, c’est que la Russie dépend désormais d’un cessez-le-feu pour reconstruire sa capacité de combat, et que toute concession ukrainienne signifierait que le monde accepterait que la Russie soit autorisée à s’emparer du territoire d’un État souverain par une guerre d’agression contraire au droit international. Mais Poutine oublie de nous le dire.

Quel était le message de Poutine ? Premièrement, que « la Russie est une nation forte et indépendante, qui a le droit de choisir sa propre voie », et deuxièmement que « les valeurs et la position mondiale de l’Occident sont décadentes et en voie de retour, alors que la Russie est socialement structurellement supérieure à l’ouest ». La première est bonne en principe, puisque le principe de l’intégrité des nations souveraines est inscrit dans la Charte des Nations Unies. La deuxième partie est pour le moins discutable. Mais Poutine y croit, nous sommes donc obligés de nous en occuper tant que Poutine est au pouvoir.

Poutine avait-il de bons points ? Oui, il l’avait fait ! Poutine a souligné que la décennie à venir sera la décennie la plus difficile et la plus dangereuse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ceci est absolument correctement observé! Mais il a omis de nous dire la raison pour laquelle il en est ainsi. Car le monde est à nouveau menacé par la montée des régimes totalitaires, à un degré jamais vu depuis l’Union soviétique. À l’échelle mondiale, la Chine est la plus grande menace pour la paix et la liberté. En Europe, la Russie est l’ennemi numéro un de la démocratie et de la société ouverte. Ce seront des années dangereuses pour l’Europe, mais Poutine a oublié de préciser qu’il est lui-même la menace.

Quelle vision du monde Poutine a-t-il présentée ? Le discours était une autre adaptation de Poutine du « nouveau discours » de George Orwell : « L’Occident est la source de l’agression, des hostilités et du mal dans le monde ». Cela explique peut-être pourquoi Alexey Pavlov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, la veille du discours de Poutine a pu nous dire de façon quelque peu surprenante que la Russie va désormais « dé-sataniser » l’Ukraine. Non seulement les nazis là-bas, mais même les satanistes ont maintenant pris la direction de l’Ukraine !

Il est tout aussi intéressant que Poutine ait affirmé qu’il voulait un monde « gouverné par des règles ». Cela vient d’un chef d’État qui a construit un régime terroriste en combattant systématiquement précisément un monde régi par des lois et des règles. Ce que Poutine oublie de dire ici, c’est qu’il veut un monde « gouverné par des règles » où Poutine lui-même écrira les règles ! Et les « règles » de Poutine sont de servir une Grande Russie pan-slave, gouvernée par lui. Cela aussi, Poutine oublie adroitement de nous le dire.

Le panslavisme de Poutine est basé sur l’ethno-nationalisme qui a défini l’Union soviétique et qui, sous diverses formes à travers l’histoire, a conduit tant d’États et de confédérations d’États aux pires actes de violence que le monde ait connus. Cet état d’esprit a malheureusement survécu aux ruines de l’empire nazi d’Hitler. Staline et Mao ont construit leurs empires sur les mêmes principes, et Poutine est parmi les principaux héritiers idéologiques de cet état d’esprit dans le monde d’aujourd’hui.

Poutine a attaqué l’Ukraine parce qu’il pense que l’Ukraine n’a pas le droit d’exister. Poutine s’est donné le droit de décider quels États et quelles personnes ont le droit à la vie, et qui mourra. La « structure sociale russe supérieure » et les « valeurs russes traditionnelles » prônées par Poutine reposent sur un seul homme – Poutine – qui décide de la vie et de la mort d’innocents. Enfants inclus ! C’est cette structure sociale que Poutine considère comme « supérieure aux valeurs occidentales ». Mais même ce Poutine oublie systématiquement de nous le dire.(Conditions)Copyright Dagens Næringsliv AS et/ou nos fournisseurs. Nous aimerions que vous partagiez nos cas en utilisant des liens, qui mènent directement à nos pages. La copie ou d’autres formes d’utilisation de tout ou partie du contenu ne peuvent avoir lieu qu’avec une autorisation écrite ou dans la mesure permise par la loi. Pour plus de termes voir ici.