Écrit par Suranya Aiyar

Avec la sortie de la bande-annonce de Mme Chatterjee contre la NorvègeBarnevernet, la tristement célèbre agence norvégienne de services à l’enfance, fait à nouveau parler d’elle. Le film est basé sur l’histoire vraie des enfants Bhattacharya en Norvège qui ont été récupérés auprès de Barnevernet par leur vaillante mère, Sagarika.

Il y a dix ans, après avoir lu dans la presse l’affaire Bhattacharya, j’ai rejoint la campagne lancée par Brinda Karat, alors députée du Rajya Sabha, pour récupérer les enfants. Le gouvernement indien est intervenu, et finalement, les enfants ont été rendus à Sagarika.

J’ai été choquée, à la fois en tant que mère et en tant qu’avocate, par la sévérité des actions de l’agence norvégienne des services de l’enfance contre la famille Bhattacharya. Il n’y avait aucune allégation de violence ou d’inceste. Toutes les plaintes portaient sur la « capacité de prise en charge » des parents. Cela ne semblait pas justifier le placement des enfants dans une famille d’accueil permanente, sans même permettre aux parents de leur rendre visite.

Les vidéos et les photos des enfants avant leur retrait montrent qu’ils sont propres, bien nourris et qu’ils jouent affectueusement avec leur mère. La petite fille était exclusivement nourrie au sein. Ceci était en soi un indicateur du fort engagement de Sagarika en tant que mère. Le père subvenait de manière responsable aux besoins de la famille. Qu’est-ce qui manquait dans la « capacité de prise en charge » des parents pour contrebalancer cette preuve de la bonne prise en charge des enfants par les parents ?

Les rumeurs, démenties par la mère, selon lesquelles elle aurait giflé l’enfant, transgressant ainsi les lois norvégiennes contre la discipline physique, se sont avérées totalement fausses. Après le retour de Sagarika de Norvège, nous avons obtenu tous les documents du dossier de Barnevernet. Ils ne font état d’aucune rencontre physique, même minime, entre Sagarika et ses enfants – pas même une seule gifle.

Ce qui ressort des documents, c’est le rôle troublant joué par les aides-soignants et les écoles pour enfants. D’abord, ils se sont introduits dans la maison familiale en prétendant qu’ils allaient « aider » les bébés. Ensuite, ils ont pris le comportement normal de la mère et de ses bébés pour faire toutes sortes de spéculations hostiles. S’adresser vertement au garçon « en bengali » avec un doigt levé lorsqu’il crachait de la nourriture sur le sol a été pris comme indiquant que le pire s’était produit à l’abri des regards. Les émotions naturelles de la mère, lorsqu’on lui a dit qu’elle ne reverrait jamais ses enfants, ont été interprétées comme une instabilité mentale.

Il est bien connu que les Européens du Nord mettent un point d’honneur à ne jamais élever la voix. Mais il est scandaleux de permettre que cette différence culturelle serve de base à l’éloignement des enfants. Les lecteurs auront déjà entendu parler des objections du personnel soignant à l’égard de l' »alimentation manuelle » et du « co-sleeping ».

Depuis le cas de Sagarika, chaque année, je suis contacté par des familles dont les enfants ont été retirés par les services de l’enfance à l’étranger. Elles m’appellent des États-Unis, du Royaume-Uni, de Norvège, de Suède, d’Allemagne et d’Australie. La plupart des familles sont indiennes. Je reçois également des appels d’autres familles d’Asie du Sud dans la même situation – du Bangladesh, du Sri Lanka, du Népal, du Pakistan et de l’Afghanistan. Je les aide toutes gratuitement.

En travaillant avec ces familles, une image épouvantable est apparue, celle d’une agence d’État trop zélée, non réglementée et raciste. Les services de l’enfance ne sont pas liés par la charge de la preuve qui s’applique dans d’autres domaines de la loi. Dans des pays comme la Norvège, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ils ne sont même pas tenus de présenter des allégations spécifiques selon lesquelles les parents ont fait ou omis de faire quelque chose. Les affirmations dramatiques des agences de services à l’enfance sont presque toujours spéculatives, avec très peu de preuves tangibles. C’est pourquoi vous avez l’anomalie des parents qui sont acquittés par la police, mais qui ne se voient toujours pas restituer leur enfant. Les juges ont tendance à traiter les agences de services à l’enfance comme des experts neutres, approuvant leurs décisions.

Les lois strictes sur la confidentialité, au nom de la vie privée de l’enfant, servent en fait de couverture aux erreurs et aux préjugés du système.

De cette façon, le jeu est empilé contre tout parent faisant face à une procédure de protection de l’enfance.

C’est d’autant plus grave pour les parents qui sont des immigrants nouvellement arrivés et qui n’ont pas les moyens de s’opposer à ces agences.

Il est temps que le monde accepte que la protection de l’enfance sous sa forme actuelle a échoué. Elle n’a pas profité aux enfants. Elle les a simplement placés, eux et leurs parents, à la merci d’une bureaucratie sans cœur et dominatrice.

Le fils de Sagarika porte encore les cicatrices de sa séparation d’avec sa mère à l’âge délicat de deux ans. Les dossiers de Barnevernet décrivent, avec une fadeur glaçante, comment la petite fille a mis des jours à prendre le biberon après l’arrêt brutal de l’allaitement. Les services sociaux rapportent froidement comment les enfants se salissent lorsqu’ils sont éloignés de leurs parents.

Personne n’a d’objection à ce que des mesures soient prises pour aider les enfants. Cependant, l’expérience des agences de services à l’enfance dans les pays développés montre que la solution n’est pas une bureaucratie d’État toute puissante, sans supervision efficace, sans transparence ni responsabilité.

(L’auteur est un avocat)