La récente décision de la Norvège de donner le feu vert à des projets d’exploitation minière en eaux profondes dans l’Arctique a provoqué une onde de choc dans le monde entier.

Malgré les inquiétudes croissantes exprimées par les scientifiques, les organisations de la société civile, les pêcheurs, l’agence norvégienne de l’environnement et plus de 550 000 citoyens qui ont signé une pétition en ligne, la Norvège va ouvrir plus de 281 000 km2 de ses eaux à l’exploration et à l’exploitation minière en eaux profondes, soit une superficie équivalente à celle de l’Italie.

Cette décision donne à la Norvège l’honneur douteux d’être le premier pays européen à établir une procédure sur l’exploitation minière en eaux profondes.

Bien que les recherches se poursuivent, il existe aujourd’hui un large éventail de preuves, rassemblées de manière très complète par le Conseil consultatif scientifique des Académies européennes, qui mettent en évidence les graves ramifications de l’exploitation minière en eaux profondes sur l’océan.

L’exploitation minière dans les eaux sombres et profondes, où la vie est lente et peu perturbée, implique que de grosses machines broient les habitats, libérant de grands panaches de boues toxiques dans les courants océaniques, étouffant la vie marine à la fois dans la zone d’exploitation et au-delà.

Les opérations minières créent également une pollution sonore et lumineuse préjudiciable aux organismes vivants. Cette activité dévastatrice pour l’environnement fait peser une grave menace sur les écosystèmes marins, notamment l’extinction d’espèces des grands fonds connues et à découvrir, la destruction irréversible d’habitats précieux, la perturbation des populations de poissons et d’autres animaux aquatiques, et la perturbation des écosystèmes.

Ces dommages vont également perturber le rôle que jouent les grands fonds dans le délicat cycle du carbone de l’océan, perturbant ainsi durablement la stabilité du climat et la santé du milieu marin. Dans un contexte de fonte accélérée des calottes glaciaires, le feu vert donné par la Norvège à l’exploration minière en eaux profondes dans le fragile Arctique est pour le moins irresponsable.

En réponse à la décision norvégienne, le Parlement européen, qui a appelé à un moratoire international sur l’exploitation minière en eaux profondes, a voté mercredi (7 février) une résolution appelant la Norvège à soutenir un moratoire et à respecter son obligation internationale de ne pas causer de dommages au-delà de ses propres eaux.

Appelez-moi par mon nom

Avec tout ce que nous savons aujourd’hui sur les impacts de l’exploitation minière en eaux profondes, il est temps de l’appeler par son vrai nom : un acte criminel grave contre notre planète – que l’on appelle de plus en plus souvent un écocide.

L’écocide, tel qu’il a été introduit par le groupe d’experts indépendants en 2021, est défini comme « des actes illicites ou gratuits commis en sachant qu’il existe une forte probabilité que ces actes causent des dommages graves, étendus ou à long terme à l’environnement ».

Les législateurs ont pris note de cette définition ; elle a entraîné des modifications positives des lois en Belgique et au Chili, et d’autres pays, comme l’Écosse et les Pays-Bas, les suivent de près, ainsi que le Conseil de l’Europe, qui est en train de modifier sa convention sur la protection de l’environnement par le droit pénal.

La définition a également inspiré des modifications de la directive européenne sur la criminalité environnementale, qui répertorie désormais une activité ou une « infraction qualifiée » comme étant comparable à un écocide s’il y a « destruction ou dommages étendus et substantiels, irréversibles ou durables, à un écosystème d’une taille ou d’une valeur environnementale considérables, ou à un habitat situé dans un site protégé, ou à la qualité de l’air, à la qualité du sol ou à la qualité de l’eau ».

Compte tenu de ce que nous savons déjà sur l’exploitation minière en eaux profondes, il est clair que le type d’activités d’exploitation toléré par la Norvège constituerait un délit proche de l’écocide en vertu de la directive sur les crimes contre l’environnement. Si un pays de l’UE devait suivre l’exemple de la Norvège, il s’exposerait à des litiges et à des poursuites pénales.

Il est impératif que l’UE et la communauté internationale condamnent les intentions écocides de la Norvège en matière d’extraction et exigent que cette décision imprudente soit annulée.

L’Arctique doit être reconnu comme un bien commun mondial et fortement protégé en raison de son caractère unique et des services écosystémiques essentiels qu’il fournit. À défaut, non seulement la santé de l’Arctique est menacée, mais les efforts déployés à l’échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique, restaurer la nature et préserver notre planète pour les générations futures sont également compromis. Nous devrions tous envoyer un message fort : nous devons prévenir l’écocide avant qu’il ne se produise.