Les huîtres sentinelles et autres mollusques bivalves surveillent désormais la qualité de l’eau des océans et la dégradation de l’environnement dans de nombreux endroits du globe. Selon l’entreprise française qui a créé le logiciel et le matériel permettant de relier ces mollusques à un système d’alerte environnementale, ils le font avec une plus grande sensibilité, une meilleure longévité et à un coût inférieur à celui des systèmes non biologiques.

« Ce que nous faisons s’appelle de la biosurveillance », m’a récemment expliqué Ludovic Quinault, PDG de Molluscan, dans le cadre du podcast TechFirst. « Nous surveillons la qualité de l’eau par l’intermédiaire des mollusques bivalves, qui sont par exemple des huîtres, des moules ou des palourdes.

Ce n’est pas une tâche facile. Pour utiliser des systèmes biologiques ou des animaux comme détecteurs précoces de pollution, il faut savoir ce qu’est un comportement inhabituel. Pour détecter un comportement inhabituel, vous devez connaître en profondeur le comportement habituel. En d’autres termes, vous devez construire essentiellement une simulation ou un jumeau numérique de l’animal réel et modéliser son comportement normal et sain, et vous devez construire un système de capteurs qui détecte et transmet un comportement anormal.

Molluscan y est parvenu grâce à plus de 20 ans de recherche à la station marine d’Arcachon de l’université de Bordeaux. Grâce à ces données, l’entreprise a mis au point ce qu’elle appelle la valvométrie non invasive à haute fréquence, une manière élégante de décrire sa technologie incroyablement sensible pour surveiller les mouvements les plus infimes des mollusques bivalves. Lorsque ces mouvements suivent des schémas irréguliers ou anormaux, le système avertit les scientifiques que quelque chose ne va pas.

Une installation typique comprend 16 mollusques, chacun équipé d’un minuscule capteur et d’une batterie qui a une autonomie de plusieurs années. Les capteurs, qui mesurent le comportement des animaux 10 fois par seconde, sont reliés à un boîtier de commande électronique situé à proximité, qui saisit les données de chaque animal et les transmet aux scientifiques ou aux techniciens.

16 est le nombre minimum de mollusques pour garantir la fiabilité statistique des signaux capturés.

« Nous utilisons des micro-électrodes très légères, de l’ordre d’un gramme à l’extérieur de l’eau, soit quelques dixièmes de gramme à l’intérieur de l’eau », explique M. Quinault. « Les animaux ne sentent donc rien et nous mesurons chacun de leurs mouvements, c’est-à-dire la façon dont ils s’ouvrent ou se ferment, avec une très grande précision, au micromètre près. »

Un micromètre est un millionième de mètre (un mètre équivaut à environ trois pieds). Un cheveu humain peut avoir un diamètre d’environ 50 micromètres. Les capteurs surveillent donc des mouvements 50 fois plus petits que la largeur d’un cheveu.

La précision des capteurs n’a d’égale que celle des huîtres, des palourdes et des moules elles-mêmes, qui sont à la fois plus sensibles et plus durables que les technologies traditionnelles d’échantillonnage des contaminants dans l’eau.

« Nous les avons testées dans des rivières artificielles contenant du pétrole, juste pour voir comment elles réagissent en fonction des différents niveaux de concentration », explique Quinault. « La sensibilité des animaux en termes de réaction et de vitesse de réaction – et c’est une question de concentration – est très élevée et nous avons pu détecter des concentrations qui étaient trop faibles pour être observées en laboratoire.

En outre, les instruments basés sur la technologie artificielle ont tendance à s’encrasser dans l’eau de mer après seulement trois semaines et doivent être nettoyés. Cela nécessite une visite coûteuse d’un bateau et d’un plongeur. Les mollusques utilisés par Molluscan, en revanche, vivent trois ans ou plus et se nettoient eux-mêmes.

Cette solution de biosurveillance est bon marché, selon Quinault, pour les situations qui nécessitent des contrôles fréquents. Les plates-formes pétrolières et les sites de traitement pétrochimique, par exemple, peuvent être tenus de vérifier quotidiennement la qualité de l’eau.

Un projet pilote mené avec TotalEnergies, la grande entreprise française du secteur de l’énergie, a permis de réaliser des économies annuelles de plusieurs millions de dollars. Là où la solution n’est pas moins chère, c’est lorsqu’il s’agit de tests occasionnels, par exemple une fois par trimestre.

La véritable économie réside toutefois dans la détection précoce des problèmes avant qu’ils ne prennent de l’ampleur.

« Lorsque vous ne voyez pas la pollution, vous devez ensuite la nettoyer », explique M. Quinault. « Quel est l’impact, vous savez, lorsque vous devez nettoyer une rivière ou un lac et l’impact sur la santé de la population ?

Selon lui, il est beaucoup moins coûteux et meilleur pour l’environnement de voir les problèmes instantanément et de réagir rapidement que d’attendre que les problèmes prennent de l’ampleur.

La biosurveillance avec de vrais animaux n’est pas l’apanage de Molluscan. Une étude financée par Singapour et publiée en 2017 s’est penchée sur les études animales pour la protection contre les dommages environnementaux et le bioterrorisme, et a conclu qu' »en plus de fournir une alerte précoce aux risques naturels, les animaux peuvent également fournir une alerte précoce aux risques sociétaux tels que le bioterrorisme ».

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