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L’énergie éolienne et les droits des populations autochtones s’affrontent en Norvège

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L’énergie éolienne et les droits des populations autochtones s’affrontent en Norvège

L'énergie éolienne et les droits des populations autochtones s'affrontent en Norvège - 3

Commentaire

Déjà leader mondial dans l’utilisation des énergies renouvelables, la Norvège a l’intention d’intensifier ses efforts. Mais aujourd’hui, deux grands parcs éoliens situés sur la péninsule de Fosen sont devenus la source d’une collision entre les droits des populations autochtones et l’agenda vert du gouvernement, soulevant des questions sur les projets futurs. Des manifestants préoccupés par les effets de l’exploitation des parcs sur les autochtones Sami ont bloqué des bureaux du gouvernement et exigé que les fonctionnaires arrêtent les 151 turbines du projet. Cette affaire est considérée comme un indicateur de l’avenir de l’énergie éolienne terrestre en Norvège, qui a besoin d’une production d’électricité plus propre pour compléter ses vastes ressources hydroélectriques afin d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions et de se préparer à l’électrification de l’ensemble du territoire.

1. Quel est l’objet des manifestations ?

Les manifestants, dont l’activiste climatique suédoise Greta Thunberg, se disent frustrés par plus d’un an d’inaction depuis que la Cour suprême de Norvège a jugé que les éoliennes violaient les droits de l’homme des Samis. Les parcs sont situés sur des zones de pâturage traditionnelles pour les rennes, que les Samis élèvent pour leur viande, leur peau et leurs bois. Les éleveurs affirment que les animaux ont été effrayés par la cacophonie de la construction et le bruit des pales qui tournent. La Cour suprême a cité le Pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques, en particulier l’article 27 qui stipule que les minorités ne doivent pas être privées du droit « de jouir de leur propre culture ». La région de Fosen fait vivre les Samis depuis des siècles.

2. Pourquoi la décision de justice n’a-t-elle pas entraîné la fermeture des parcs ?

Le tribunal a jugé que les permis pour les turbines n’étaient pas valables, mais il n’a pas déclaré qu’elles étaient illégales, de sorte que le gouvernement n’a pas été obligé de fermer le parc. Le constructeur Fosen Vind, contrôlé par l’entreprise publique Statkraft AS, a proposé des solutions pour poursuivre l’élevage de rennes dans la région. Le gouvernement du Premier ministre Jonas Gahr Store a autorisé la poursuite des activités pendant que des mesures d’atténuation sont élaborées.

3. Comment le gouvernement a-t-il réagi aux manifestations ?

Le gouvernement prend le tollé au sérieux, car il souhaite trouver une solution qui évite la fermeture des parcs. Âgés de moins de cinq ans, ils permettent de couvrir les besoins en électricité de la région pendant les périodes de sécheresse et contribuent aux efforts déployés par la Norvège pour atteindre ses objectifs en matière de climat. Le 1er mars, le ministre de l’énergie, Terje Aasland, est allé jusqu’à annuler une visite très médiatisée au Royaume-Uni pour se concentrer sur la situation. Le sort des parcs de Fosen pourrait avoir des conséquences sur d’autres projets d’énergies renouvelables et d’électrification ailleurs dans le pays, qui cherche à réduire les émissions de carbone d’au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030, alors que l’objectif précédent était d’au moins 50 %.

4. Quels sont les projets qui pourraient être mis en péril ?

D’autres projets éoliens terrestres en particulier. Le gouvernement espère en construire davantage pour diversifier le portefeuille d’énergies renouvelables de la Norvège en cas de sécheresse, étant donné que l’hydroélectricité génère 90 % de l’électricité du pays. La controverse sur les parcs de Fosen survient à un moment où de tels projets sont déjà peu appréciés en Norvège. La population s’est opposée à l’érection d’imposantes turbines au milieu des montagnes et des fjords pittoresques du pays. Le gouvernement a amélioré les mesures d’incitation pour les municipalités locales afin de faire avancer les projets, mais une lourde taxe sur la rente des ressources, destinée à mieux répartir les bénéfices tirés des ressources naturelles communes, fait hésiter les nouveaux investisseurs. Un autre projet qui pourrait être entaché par la controverse de Fosen est celui du géant de l’énergie Equinor ASA, qui prévoit de prolonger une ligne électrique jusqu’à son terminal de gaz naturel liquéfié sur l’île de Melkoya, près de la ville arctique de Hammerfest. L’électrification de l’installation permettrait de réduire ses émissions, mais le projet prévoit l’installation de nouveaux câbles traversant des zones de pâturage des rennes. Les opposants affirment qu’Equinor ignore d’autres options, notamment l’installation d’une technologie de captage et de stockage du carbone, qui serait moins coûteuse et causerait moins de perturbations.

5. Des problèmes de ce type se sont-ils déjà posés ?

Ce n’est pas la première fois que les Samis et le gouvernement norvégien s’opposent sur la politique énergétique. Les territoires traditionnels des Samis s’étendent sur une partie de la Norvège, de la Finlande, de la Suède et de la Russie. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, des protestations ont éclaté à propos d’un projet hydroélectrique sur la rivière Alta, dans le nord de la Norvège. Dans cette affaire, la Cour suprême s’est prononcée en faveur du gouvernement, autorisant la réalisation du projet. Depuis lors, le gouvernement s’est efforcé de reconnaître les droits des autochtones. En 1989, un parlement sami a été inauguré pour la première fois et, en 2018, le parlement norvégien a créé une commission de vérité et de réconciliation chargée d’enquêter sur les injustices commises à l’encontre du peuple sami et de deux autres minorités nationales. Des mesures similaires ont été prises en Suède et en Finlande en 2021.

– L’arrêt de la Cour suprême norvégienne.

– Un abécédaire des Samis par le Groupe de travail international pour les affaires indigènes.

– Le rapport 2022 de l’Agence internationale de l’énergie sur l’énergie éolienne.

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